CHARTE CITOYENNE
La charte Migraction59
Ce texte est destiné à faciliter la rencontre entre les hébergeurs et leurs hôtes, afin que celle-ci soit un moment serein, agréable et régulier.
Il a été établi avec les exilés bloqués en transit à Calais au moment de la création du collectif.
ETHIQUE ET PRINCIPES DU COLLECTIF
Migraction59, un mouvement de résistance citoyenne
Le collectif Migraction59 réunit des citoyens qui sont en désaccord avec la politique de dénuement et de violence menée envers les migrants, notamment à Calais. Cette politique vise à faire disparaître les migrants en transit dans la région en les privant des moyens nécessaires à leur survie et en utilisant la force publique pour les chasser et les invisibiliser dans des lieux d’exclusion (les « jungles »..).
Contre cette politique, les membres du collectif opposent une hospitalité militante et organisent une forme d’accueil.
Il ne s’agit pas de se substituer à une politique publique inexistante, mais
1) de venir en aide de manière immédiate aux exilés qui peinent à survivre à Calais,
2) de se mobiliser pour montrer au gouvernement que des citoyens sont prêts à accueillir ces migrants en errance, puisqu’ils leur ouvrent leur porte.
Une pratique d’hospitalité
Être membre de Migraction59, cela signifie être actif, faire quelque chose.
Cela signifie s’engager à accueillir les exilés bloqués à Calais et/ou à les conduire entre Calais et Lille.
Nous vous accompagnons dans ces moments d’accueil qui ont lieu chaque week-end, dans la mesure du possible.
Un engagement
Chacun.e s’engage dans le collectif à la mesure de ses moyens et de ses convictions.
Une partie des membres s’engage à accueillir et/ou conduire une fois par mois ou tous les 2 mois. Ces membres permettent à Migraction59 de survivre et d’être opérationnel sur le terrain.
Une autre partie agit de manière plus occasionnelle, et renforce l’accueil « minimal » assuré par les premiers.
Une éthique
Être membre de Migraction59, c’est respecter une certaine éthique, qui nous permet d’adopter de bonnes pratiques et de garantir une action réaliste et responsable.
→ un principe de justice : étant donné que nous ne sommes pas en mesure d’accueillir tous les exilés, mais seulement une petite partie (50 sur 500), nous essayons de ne pas reprendre les mêmes hôtes et de faire en sorte que chacun ait la chance de bénéficier d’un répit en famille. D’où une maxime simple : les hébergeurs ne reprennent pas les mêmes hôtes. Il est possible que cela se présente mais c’est de l’ordre de l’exceptionnel.
→un principe d’équité : en tant qu’hébergeurs, nous devons garantir un traitement équitable des exilés. Cela signifie que chacun essaye d’accueillir de façon similaire, avec générosité mais sans en faire trop. On ne donne pas d’argent, ou de très petites sommes (ou acheter des cigarettes) ; on n’offre pas un week-end trop luxueux. Les exilés se parlent entre eux, tout se sait dans la « jungle », donc nous sommes vigilants à éviter de créer des privilèges qui seront sources de tensions et de colère légitime qui se manifestent alors lors de la répartition du samedi matin.
→des motivations claires : nous pratiquons l’hébergement citoyen pour des raisons politiques (résistance à la politique de non accueil de l’État) et morales (respect des droits de l’homme, préservation de la dignité humaine, etc.).
Ces raisons nous protègent de deux choses :
a) des biais qui traversent inévitablement la relation membres citoyens/hébergés (nous avons tout / ils ont besoin de tout) ;
b) des illusions affectives (nos hôtes ne sont pas nos amis au sens d’affinités électives, ni nos enfants, ni des saints, etc.) ;
→le sens du collectif : tout membre prend conscience que ses actes individuels ont inévitablement des conséquences sur l’ensemble du collectif. Ce que vous faites crée toujours un précédent, qui ne manque pas d’être connu au sein des exilés : une fête alcoolisée, un don d’argent conséquent, une relation intime… tout cela crée de la confusion dans l’esprit des exilés qui ne savent plus ce qu’ils peuvent se permettre ou non dans les familles. D’où l’exigence d’avoir des pratiques et des limites claires.
CONTRAINTES : des sources de difficultés ? des sources d’incompréhension ?
Accueillir chaque week-end
Pour que l’accueil soit possible, un certain nombre de conditions doivent être remplies. Face à des personnes vulnérables, soumises à de grandes violences, exclues et plongées dans le dénuement, on tente d’éviter tout amateurisme.
La grande difficulté pour l’équipe logistique qui va sur le terrain le samedi, c’est de maintenir la confiance et le respect des exilés, et d’apaiser les frustrations de tous ceux qui ne sont pas pris.
Pour que tout se déroule bien dans les familles, cette confiance et ce cadrage sont indispensables, d’où l’importance de maintenir un accueil chaque week-end. Sinon, nous perdons le lien et les exilés ne comprennent pas notre absence.
Accueillir au minimum 40* exilés
Cependant, confrontée à la demande de centaines d’exilés le samedi, l’équipe logistique, après plusieurs mois, a tiré ce constat de l’expérience : en dessous de 40 hôtes, nous sommes débordés par le nombre de mécontents et les tensions sont ingérables.
Le but du collectif n’est ni de susciter l’agressivité envers les membres « logistique », ni de créer des tensions voire des affrontements entre les exilés. De leur propre bouche : « en-dessous de 40 accueillis, pas la peine de venir », parce que nous générons plus de problèmes que de choses positives.
[*ce nombre était de 50 au début du collectif, la situation a évolué avec la crise sanitaire.]
Accueillir des personnes en souffrance
Parfois, l’échange humain espéré n’a pas lieu. Vos hôtes sont épuisés, renfrognés, mutiques ou mal élevés. On ne les accueille pas parce qu’ils sont sympathiques et affables, mais parce qu’ils en ont besoin. Cela peut être heurtant, incompréhensible. Nous sommes là pour en discuter avec vous.
STRUCTURE ET FONCTIONNEMENT DU COLLECTIF
Un collectif ouvert à toutes et tous
Le collectif est ouvert à tous ceux qui souhaitent faire chauffeur et/ou hébergeur pour accueillir les migrants de Calais.
Chacun peut s’approprier Migraction59 de manière autonome, dans le respect de l’éthique et des principes du collectif. Certains diffusent activement auprès de leur entourage, certains organisent l’accueil entre voisins, d’autres invitent leurs amis pendant leur week-end d’accueil pour leur donner envie de passer le cap, d’autres encore proposent des concerts, des événements au profit de Migraction59… Chacun.e essaye à sa manière de faire grandir le réseau.
Le bureau
Organiser l’accueil des exilés, cela suppose de prendre certaines orientations et décisions (par exemple, mettre en place les Journées Migraction59, définir le collectif auprès des médias, rester indépendant des partis politiques, tirer les leçons de l’expérience du terrain…).
Les membres fondateurs se réunissent en bureau pour régler collégialement ces questions et en font part à l’ensemble du collectif.Le bureau comprend 8 membres fondateurs et investis dans la préparation et se réunit toutes les 6 à 8 semaines.
L’équipe logistique
La douzaine de membres de ce groupe gère toutes les questions pratiques liées à l’organisation de l’accueil (gestion du tableau d’inscriptions, interface avec les exilés le samedi matin, communication du rendez-vous aux chauffeurs, réponse aux demandes d’informations, suivi auprès des primos hébergeurs.hébergeuses et primo conducteurs.conductrices, etc.).
Ce sont eux qui sont en contact avec les exilés le samedi à la « jungle » et qui s’exposent aux tensions sur le terrain.
Ils s’occupent des stratégies de communication, des tracts, des affiches, du blog, des événements ….
Ils s’occupent aussi de gérer la cagnotte des dons Migraction59.
Des réunions régulières sont organisées.
Chaque réunion fait l’objet d’un bilan publié sur le groupe.
Le collectif organise aussi des réunions-bilan ouvertes à tous les membres.*